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Page:Asselineau - La Double Vie, 1858.djvu/229

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rien ! Les gammes les plus savantes et les plus compliquées n’arrivent qu’à reproduire le bruit strident d’un métier de fabrique.

Debout au fond du salon, je voyais les têtes des assistants se balancer par un mouvement uniforme et rythmique en signe de mécontentement. La maîtresse de la maison, charmante jeune femme coiffée de marabouts, allait de l’un à l’autre comme pour conjurer les murmures.

Bientôt le clavier, toujours résistant, monte, monte et soulève les mains de l’exécutant jusqu’à son menton ; un grondement pareil à celui du tonnerre éloigné sort de la caisse d’harmonie.

Le balancement des têtes devient furieux, et au-dessus de cette mer de crânes en mouvement le gracieux visage de Mme C*** voletait souriant en agitant ses marabouts.

Gatien luttait toujours. Sa figure passait de l’expression de la plus vive terreur aux grimaces les plus grotesques. La dernière projeta en avant son nez et sa mâchoire, arrondit ses yeux et fit saillir au-dessous des tempes deux longues oreilles velues, entre lesquelles la tête de Mme C***, toujours voletant, vint se poser, en disant avec un sourire qui fit voir ses dents de nacre de perles :

« Un âne ! c’est un âne ! »

En ce moment, je ne sais quelle force surnaturelle me porta à l’angle du piano. Gatien avait disparu, et