Page:Asselineau - La Double Vie, 1858.djvu/250

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Mon oreille saisissait, d’une note à l’autre, des gammes entières. Chaque relation d’un demi-ton comprenait pour moi des mondes de sons distincts, que l’ouïe humaine ne perçoit pas.

Les premiers de qui j’essayai de me faire comprendre, se contentèrent pour toute réponse de répéter que j’étais fou. Deux ou trois des plus savants entrevirent bien quelque chose au fond de mes idées, mais, embarrassés d’accorder ce que je leur disais avec leur science vulgaire, ils conclurent que si je devais avoir raison, ce ne serait pas avant deux siècles.

Je trouvai cependant un auditeur intelligent et de bonne foi ; ce fut un Israélite allemand nommé Jérémie Klang.

Cet homme, après avoir dépensé soixante ans de vie et une fortune à la poursuite des phénomènes métaphysiques, se livrait, dans un grenier, à la recherche d’une nouvelle synthèse musicale. Il vint me voir.

Dès le premier entretien, il me déclara que je lui révélais ce qu’il n’avait fait qu’entrevoir pendant toute sa vie, et que si je n’étais pas fou, j’étais certainement un génie surnaturel, car je venais de lui découvrir l’absolu en musique. Une seconde entrevue acheva de l’enthousiasmer ; j’eus toutes les peines du monde à l’empêcher de s’agenouiller devant moi. Il me supplia de l’accepter pour disciple