Page:Asselineau - La Double Vie, 1858.djvu/253

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’établir dans le voisinage une manufacture dont il prendrait la direction. Il en sortit des produits fabuleux. C’était des basses gigantesques qui ne se pouvaient mettre en jeu qu’au moyen d’un mécanisme, de pochettes tellement exiguës, que ce devint un embarras sérieux de savoir où l’exécutant poserait les doigts.

Jérémias en prit occasion de joindre à sa fabrique une académie, où des élèves se formaient sous sa méthode.

Ma famille s’émut de ces entreprises. Jusque-là ma folie, en tant que folie, lui avait paru supportable ; c’était d’ailleurs une folie douce. Mais lorsqu’elle apprit que le désordre de mon esprit allait jusqu’à m’induire en frais de construction et d’exploitation, elle prit l’alarme.

Des bruits singuliers me revinrent, d’après lesquels il n’était pas question de moins que de m’interdire. Je m’en moquai, jusqu’au jour où une députation de mes proches se présenta chez moi pour me faire quelques remontrances dans mon intérêt. Je n’eus pas de peine à prouver à ces excellents parents que l’emploi que je faisais de ma fortune ne s’écartait pas des conditions légales. J’achevai de les déconcerter en leur traduisant mot pour mot leurs pensées, qui la plupart du temps contredisaient leurs paroles. Ils se retirèrent assez désappointés, et je n’en entendis plus parler.

Jérémias, depuis qu’il était devenu chef d’atelier