Page:Asselineau - Le Livre des ballades.djvu/191

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ſanglots, elle lui raconta ce qu’il ſavait parfaitement.

« L’ermite commence à la réconforter par de belles et dévotes paroles ; et, pendant qu’il parle, il promène des mains audacieuſes tantôt ſur ſon ſein, tantôt ſur les joues humides. Puis, devenu plus hardi, il va pour l’embraſſer. Mais elle, tout indignée, lui porte violemment la main à la poitrine & le repouſſe. & ſon viſage ſe couvre d’une honnête rongeur.

« Il avait à ſon côté droit une poche. Il l’ouvre & il en tire une fiole pleine de liqueur. Sur ces yeux puiſſants, où Amour a allumé ſa plus brûlante flamme il en jette légèrement une goutte qui ſuffit à endormir Angélique. La voilà, giſant renverſée sur la table, livrée à tous les déſirs du lubrique vieillard,

« Il l’embraſſe & la palpe à plaiſir ; & elle dort, & ne peut faire réſiſtance. Il lui baiſe tantôt le ſein tantôt la bouche, Perſonne ne peut le voir en ce lieu âpre et défert. Mais, dans cette rencontre, ſon deſtrier trébuche, car le corps débile ne répond point au déſir. Il avait peu de vigueur, ayant trop d’années, & il peut d’autant moins, qu’il s’eſſouffle davantage.

« Il tente toutes les voies, tous les moyens, mais ſon pareſſeux rouſſin ſe refuſe à ſauter. En vain il lui ſecoue le frein, en vain il le tourmente ; il ne peut lui faire tenir la tête haute. Enfin, il s’endort près de la dame qu’un nouveau danger menace encore. La fortune ne ſe contente pas de ſi peu, quand elle a pris un mortel pour jouet. »

· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·

(Roland furieux, chant VIII, huitains 45 à 50.)