Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
150
le livre
Sonnet
Si, comme je l’eſpère & comme tu le dis,
Dans cette lourde chair ſouffre une âme immortelle,
Au ſortir de mon corps ſe délaſſera-t-elle
Sous les magnolias d’un calme paradis ?
Goûtera-t-elle en paix, loin des brûlants midis,
Au bord d’un fleuve heureux qui mouillera ſon aile,
La fraîcheur d’une eau vive & d’une ombre éternelle,
Sur des tapis de fleurs par les ſylphes ourdis ?
Pourrai-je, ſans douleur, revivre & me connaître ?
Sentirai-je en rêvant ſe mêler à mon être
La muſique de l’eau, des feuilles & du ciel ?
Serai-je toujours moi, comme tu me l’aſſures,
Sans que le ſouvenir perſiſtant & cruel
Dans ce qui fut mon cceur imprime ſes morſures ?
Maurice Bouchor.