Page:Asselineau - Le Livre des sonnets.djvu/206

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
157
des sonnets


Le Cloître




Un crucifix de fer tend ſes bras ſur le ſeuil.
De larges remparts gris ceignent le cloître auſtère,
Où viennent ſe briſer tous les bruits de la terre,
Comme des flots mourants aux angles d’un écueil.

Le ſaint lieu, clos à tout, gît comme un grand cercueil.
Plein de ſilence, plein d’oubli, plein de myftère.
Des vierges dorment là leur ſommeil volontaire,
Et ſous le voile blanc portent leur propre deuil.

Tous les reſſorts humains ſe ſont rompus en elles.
Dans l’éblouiſſement des choſes éternelles,
Elles marchent ſans voir, hors du Temps, hors du Lieu.

Elles vont, ſpectres froids, corps dont l’âme eſt ravie,
Êtres inexiſtants qui s’abîment en Dieu,
Vivantes dans la mort, & mortes dans la vie.


Edmond Haraucourt.