Page:Assollant - Aventures merveilleuses mais authentiques du capitaine Corcoran, I.djvu/39

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ment, comme ronflent les crocodiles qui n’ont pas de mauvaise action sur la conscience.

Ce sommeil, cette pose pleine de grâce et d’abandon, je ne sais quoi encore, probablement quelque inspiration de l’esprit malin, tout parut tenter Louison. Je vis ses lèvres s’écarter. Elle riait comme un jeune polisson qui va jouer un bon tour à son maître d’école.

Elle avança doucement la patte et l’enfonça tout entière dans la gueule du crocodile. Elle essayait d’arracher la langue du dormeur pour la manger en guise de dessert, car Louison est très-friande ; c’est le défaut de son sexe et de son âge.

Mais elle fut bien sévèrement punie de sa mauvaise pensée.

Elle n’eut pas plutôt touché la langue du crocodile, que la gueule de celui-ci se referma. Il ouvrit les yeux, — de grands yeux couleur vert de mer, que je vois encore, — et regarda Louison d’un air de surprise, de colère et de douleur qu’il est impossible de peindre.

De son côté, Louison n’était pas à la noce. La pauvre chérie se débattait comme un diable entre les dents aiguës du crocodile. Heureusement, elle serrait si fort la langue de celui-ci avec ses griffes, que le malheureux n’osait user de toutes ses forces et lui couper la patte, comme il l’aurait fait aisément si sa langue avait été libre.