Page:Assollant - Aventures merveilleuses mais authentiques du capitaine Corcoran, II.djvu/33

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par un rugissement voilé, comme s’il eût voulu (et c’était, en effet, son intention) n’être entendu que de Louison. Celle-ci ne se fit pas attendre. Elle s’élança d’un bond sur le mur, jeta un regard distrait dans le fossé et, sans s’émouvoir de la présence de Corcoran, qu’elle voyait très-bien, écouta le discours du grand tigre.

Il a été longtemps à la mode de croire que les animaux n’avaient qu’un vague instinct et qu’ils ne raisonnaient ni ne sentaient. Descartes l’a dit ; Malebranche l’a confirmé ; tous deux se sont appuyés sur le témoignage de plusieurs illustres philosophes : — ce qui prouve que les savants n’ont pas le sens commun.

Que Malebranche m’explique, si c’est possible, pourquoi le tigre venait régulièrement tous les soirs faire visite à Louison, et quel scrupule de délicatesse empêchait celle-ci de le suivre au fond des bois et de reprendre sa liberté. C’était (qui pourrait en douter ?) l’amitié de Corcoran qui la retenait à Bhagavapour. Ils se connaissaient et s’aimaient depuis si longtemps, que rien ne semblait plus pouvoir les séparer.

Ils se séparèrent pourtant.

La conversation du grand tigre et de Louison devait être intéressante, car elle était fort animée. Corcoran, qui prêtait l’oreille et qui entendait la langue des tigres aussi bien que le japo-