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Page:Assollant - La Chasse aux lions.djvu/12

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LA CHASSE AUX LIONS

— Une hyène par-ci par-là…

— Bon ! l’affaire d’un coup de fusil. Il n’y aurait pas aussi quelques panthères ?

— Il y en a, mais si petites que je ne sais pas si ça peut compter. »

Pitou prit un air grave :

« Les panthères, Dumanet, ça compte toujours. Te souviens-tu du sergent Broutavoine ?

— Le sergent Broutavoine ?… Connais pas.

— Comment ! tu n’as pas connu le sergent Broutavoine, qui t’a fiché quatre jours de salle de police pour avoir manqué à l’appel, trois semaines avant d’aller à Zaattcha ?… Broutavoine, un petit, maigre, roux, large des épaules, qui grognait matin et soir et qui est mort lieutenant, avec la croix, l’année dernière, à l’assaut de Malakoff, en Crimée.

— Ah ! Broutavoine ! le rousseau Broutavoine ! un qui disait toujours à l’exercice : « Qui est-ce qui m’a fichu des conscrits pareils ? ça tient son fusil comme un bâton de sucre d’orge !… » Eh bien, qu’est-ce qui lui arriva au sergent Broutavoine ? »

Alors Pitou répondit :

« Il lui arriva, Dumanet, qu’un soir d’été, tiens, un soir comme celui-ci, le ciel était bleu, il alla tout seul derrière une haie pour comme qui dirait réfléchir, vu que son notaire l’en avait prié par le moyen de ce que sa tante était morte et lui avait laissé un pré, là-bas, dans l’Aveyron, loin, bien loin de Paris, pas loin de Rodez. Fallait-il vendre ? fallait-il pas ? — Pendant qu’il réfléchissait, le nez sur sa lettre, couché sur le ventre et dans l’herbe, voilà qu’il sent tout à coup quelque chose comme une fourche à sept ou huit dents qui se serait plantée dans le côté opposé à la figure (mais plus bas), et qu’il est enlevé en l’air à une hauteur de trente-quatre à trente-cinq centimètres… Tu vois ça d’ici. Lui, pas content du tout, se retourne pour regarder celui qui lui faisait cette mauvaise farce : car enfin ce n’est pas honnête de prendre ainsi un sergent par le fond de la culotte… pas du tout. Ce n’était pas un farceur,