dix pas, avec mon fusil bien épaulé, le doigt sur la détente, en plein jour…
— Qu’est-ce que tu ferais ?
— Est-ce que je sais, moi ? Je ferais de mon mieux. Et si c’était le soir, couché dans l’herbe comme le sergent Broutavoine, alors, oh ! alors, je rentrerais avec plaisir dans la caserne pour me coucher. »
Je levai les épaules et je dis :
« Pitou ! tu es mon ami, mais tu me fais de la peine !
— Pourquoi, Dumanet ?
— Parce que, mon vieux Pitou, si tu as peur des panthères, qu’est-ce que tu feras donc quand tu te trouveras nez à mufle avec les lions ? »
Il me dit bonnement :
« Je ferai avec les lions ce que je ferais avec les panthères. Je rentrerai dans la caserne.
— Oh ! Pitou !
— De quoi, Dumanet ?… Quand on rencontre un mauvais gueux sur sa route qui a quatre pistolets à cinq coups chacun et quarante fusils chargés à balle, est-ce qu’on va lui chercher querelle ? Est-ce qu’on va se faire tuer ou estropier ?
— Oui, mais le lion…
— Le lion, dit Pitou avec force, a quatre pattes, et cinq griffes à chaque patte, et quarante dents au fond de la gueule… C’est comme s’il était toujours prêt à faire feu de soixante cartouches à bout touchant… Tu aimerais ça, Dumanet ?
— Moi ! oui, assez.
— Eh bien, pas moi, Dumanet ! Et tu dis qu’il y a des lions dans ton désert ?
— Ce n’est pas moi qui dis ça, c’est le capitaine Chambard ; et encore il dit approximativement, tu sais. Hier, par exemple, en prenant son absinthe, il racontait au capitaine Caron que les lions gardent les portes du désert.
— Oh ! s’écria Pitou, est-ce que le désert a des portes ? »