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LA CHASSE AUX LIONS

— C’est un don de nature, ça, mon vieux Pitou.

— Faut croire. »

Tout à coup, un second rugissement se fit entendre près de nous. Au même instant, la lune écarta les nuages, et nous vîmes sur la côte en face le bourricot qui remontait au petit pas, d’un air fatigué, comme un élève de l’école primaire qu’on ramène malgré lui en classe.

Ibrahim, qui le voyait comme nous du haut de son arbre, lui cria :

« Ali ! Ali ! »

Le pauvre bourricot essaya de braire ; mais il n’eut pas plutôt crié « Hi-han ! Hi-han ! » que sa voix s’arrêta dans son gosier, comme si on lui avait tiré les oreilles pour l’avertir de se taire.

« Pas naturel, ça, dit Pitou. Pas naturel du tout ! Quand on a une si belle voix, on aime à se faire entendre. »

Je répondis :

« Faut croire qu’il est modeste… Avec tout ça, je ne vois pas le lion. »

Alors Ibrahim cria du haut de son arbre :

« Je le vois, moi, ce coquin, ce brigand, ce scélérat, ce caffir ! Je le vois. Il marche à côté de mon pauvre bourricot, et il l’emmène chez lui pour le manger demain. »

C’était vrai. Le lion marchait à côté du bourricot comme l’ânier à côté de l’âne. On aurait cru qu’il lui parlait à l’oreille et qu’il lui donnait des conseils. La pauvre bête faisait semblant d’écouter et s’en allait doucement au petit trot, remontant la côte.

Je mis le lion en joue et j’allais tirer. Tout à coup Ibrahim cria :

« Ne tire pas ; tu vas tuer mon pauvre Ali ! »

Et Pitou ajouta :

« Tiens, voilà que l’obscurité revient. Vas-tu tirer au hasard ? »

Les nuages recouvraient la lune. Je dis :

« Pitou, j’allais me signaler. Tu m’en empêches ; ce n’est pas bien. »

Il me rétorqua :

« Dumanet, tu te signaleras un autre jour. Suffit que nous savons où