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Page:Assollant - La Chasse aux lions.djvu/82

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LA CHASSE AUX LIONS

fait que je suis Dumanet et non un autre, et que la postérité la plus reculée, comme disait M. le préfet en parlant de Napoléon Ier, en fera des histoires.

Enfin Pitou arriva sur la grosse branche du chêne où j’étais déjà et se mit en garde à son tour. Alors, comme nous avions le temps de respirer, nous commençâmes à tenir un conseil de guerre.

Je dis :

« Pitou, as-tu des vivres ? »

Il chercha, ne trouva rien et demanda :

— Non ; pour quoi faire ?

— Ah ! c’est que nous allons soutenir un siège. Tiens, vois la lionne : elle va nous bloquer. »

En effet, elle faisait le tour du rocher en cherchant le moyen d’entrer dans la place. Elle regardait de tous côtés, et enfin elle vit un petit sentier étroit, mais assez large pour elle, qui était haute, longue et maigre. Elle allait y monter quand tout à coup Ali, qui, d’un air fin, la regardait faire, se mit à prendre le galop du côté de la ville en emportant les petits lionceaux. Elle les avait déposés dans les deux paniers qu’il portait sur le dos.

Ah ! comme il courait, le pauvre bourricot ! Vingt kilomètres à l’heure pour le moins, si la gueuse ne s’en était pas aperçue tout de suite. Mais au premier bruit de ses sabots dans le chemin elle se retourna, le rattrapa en sept ou huit bonds et, d’un coup de griffe, le ramena dare-dare, juste au moment où je descendais moi-même de mon arbre pour aller chercher ma cartouchière sur la route. Pitou n’eut que le temps de me crier :

« Remonte vite ! la voilà ! »

C’est qu’elle arrivait, la vilaine bête ! et plus vite qu’une locomotive ! si vite même, qu’en une minute elle était partie et revenue. Sans l’avis de Pitou, j’étais frit comme un goujon dans la poêle.

Alors elle recommença le blocus. Elle fit monter le bourricot sur le rocher par le petit chemin creux qui allait jusqu’au pied du chêne, et, de la patte, elle fit un geste comme pour lui dire :