Page:Assollant - La Chasse aux lions.djvu/89

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
83
LA CHASSE AUX LIONS

Et il cracha sur elle pour lui montrer son mépris. Moi, de mon côté, je lui criai encore plus fort un tas de choses que je ne voudrais pas répéter devant les dames, et je lui jetai des glands, dont un l’attrapa sur le nez, à l’endroit même où elle avait reçu le coup de baïonnette. Ça la mit dans une telle rage, qu’elle essaya de grimper ; mais elle ne réussit pas. Elle bondissait, elle rugissait, elle mordait le tronc du chêne. Vrai ! c’était à faire trembler.

Pendant ce temps, l’Arabe se mit à siffler doucement :

« Ali ! Ali ! »

Le bourricot s’approcha.

Alors l’Arabe, avec son crochet, attrapa un nœud de l’épervier qui était sur son dos, entre les deux paniers, le souleva lentement, le saisit avec la main droite en se retenant de la gauche au tronc du chêne, et l’enleva jusqu’à lui, ce qui fit tomber à terre les deux petits lionceaux, qui étaient couchés dessus. Il cria de joie : « Allah ! Allah ! Allah Ahkar ! » comme qui dirait dans la langue de ce sauvage : « Dieu est vainqueur ! »

Si Dieu était vainqueur, mes moyens ne me permettent pas de le savoir, mais Ibrahim était content, et nous aussi, je vous en réponds !

Son cri fit retourner la lionne, qui vit l’épervier s’enlever dans l’air comme un oiseau, et les lionceaux tomber à terre comme deux fromages mous.

« Tonnerre ! qu’elle dit ; mille millions de tonnerres de bombardes et d’obusiers réunis ! »

Du moins, c’est ce que je compris quand elle poussa un rugissement si fort, que Pitou lui-même fut ébranlé (lui qui ne s’ébranle jamais), que l’Arabe Ibrahim se colla des deux bras au chêne comme un lièvre, et qu’Ali, le pauvre bourricot, tomba évanoui sur le rocher.

Elle devint si furieuse qu’elle bondit sur nous, malgré nos baïonnettes, et manqua de s’embrocher toute vive. Malheureusement, c’est ma broche qu’elle rencontra, qui glissa le long de son flanc et s’enfonça dans sa cuisse, mais sans entrer profondément, parce que la lionne recula vivement, comme vous pouvez croire, quand elle en sentit la pointe.