Page:Aubanel - Thore - Recherches statistiques sur l’aliénation mentale faites à l’hospice de Bicêtre.djvu/16

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Au milieu de ces circonstances difficiles, son énergie ne faillit point. La rupture des chaînes n’est point seulement un acte d’humanité, c’en est un de courage.

À peine appelé à diriger le service des aliénés, Pinel avait déjà conçu le projet de les délivrer des chaînes et des ferrements dont la plupart étaient chargés. À plusieurs reprises, il en avait demandé l’autorisation, mais toujours en vain, lorsque, vaincu par ses prières et par ses plaintes, Couthon se décida à visiter Bicêtre pour interroger lui-même les fous.

« On le conduit dans leur quartier ; mais il ne recueille que des injures, et n’entend au milieu de cris confus et de hurlements forcenés que le bruit glacial des chaînes qui retentissent sur les dalles dégoûtantes d’ordures et d’humidité.

« Fatigué de ce spectacle et de l’inutilité de ses recherches, Couthon recule devant l’idée de déchaîner ces aliénés. Se tournant vers Pinel : “Fais-en ce que tu voudras, dit-il ; je te les abandonne ! mais j’ai grand’peur que tu ne sois victime de ta présomption.” » (M. Scipion Pinel, Bicêtre en 1792.)

Sans être arrêté par ces paroles sinistres, Pinel se met aussitôt à l’œuvre, et dans l’espace de quelques jours soixante des plus agités sont rendus à la liberté.

C’est ici que commence la série des améliorations qui se sont successivement introduites dans le traitement des aliénés : les événements politiques favorisaient peu le zèle du médecin de Bicêtre ; il n’avait point seulement à lutter contre la tourmente révolutionnaire, mais contre la disette, les épidémies de dyssenterie et de typhus dont il faillit être victime. Cependant il put encore, dans un court espace de