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d’un sol fertile ou de l’eau abondante ». Pour avoir la terre et la culture qui le fassent vivre, il faut que l’homme les crée par son ingéniosité, sa méthode, son économie.

Il y a de gros préjugés contre l’irrigation. Bien que la terre irriguée en Californie ait plus de valeur qu’en aucun autre État aride, la surface irriguée y reste insignifiante et n’augmente que lentement ; l’eau y coûte plus cher qu’ailleurs et on en perd plus qu’on n’en use. Il est des Californiens pour penser que l’irrigation est une calamité qu’impose la nature aux habitants des régions déshéritées, aussi ne veulent-ils pas avouer que leur pays en a besoin, car le fermier du Middle-West, qui trouve toute prête une terre fertile, se rirait d’eux ; et ils tâchent d’attirer les immigrants en disant que chez eux l’irrigation n’est pas nécessaire. L’irrigation est malsaine, ajoutent-ils : elle apporte la fièvre. L’irrigation est ruineuse, et ils citent des expériences malheureuses de canaux entrepris avec ce goût du grand qu’a tout Américain et qui, ayant épuisé toutes les ressources de ceux qu’ils devaient sauver, gisent aujourd’hui béants et vides sous un linceul d’herbes et de broussailles.

Mais le préjugé le plus sérieux contre l’irrigation, c’est qu’elle a pour résultat de morceler les grands domaines et de démocratiser la culture. Or, en Californie, pays de fortes traditions aristocratiques, on a coutume de voir grand et de n’estimer que les énormes entreprises[1]. La culture des céréales et des

  1. En la personne de Magnus Derrick, un des principaux personnages de son roman, Frank Norris a donné un bon portrait de ce type de rancher californien :

    « Derrick aimait à faire les choses en grand, a présider, a