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méprisent les nouveaux venus. Le plus pressé pour ces immigrants d’Europe est de renchérir sur ce mépris dont ils ont à souffrir. Au surplus, ces Allemands, ces Italiens, ces Irlandais, ces Scandinaves sont des prolétaires qui se consolaient de l’exil par l’espérance d’une condition meilleure. Tous, comme ils le déclarent aux commissaires d’Ellis Island, viennent to better their condition. Débarqués à New-York, s’ils affrontent un long voyage de terre, encore plus fatigant et plus coûteux que le voyage de mer, pour gagner la Californie, c’est avec l’espoir d’une condition encore meilleure que celle qui les attendait dans l’Est ; aussi se montrent-ils plus impatients de toute concurrence.

De par le monde, la lutte est générale entre syndiqués et non-syndiqués. Même entre ouvriers blancs on entend parler de péril jaune, péril que des Jaunes acceptent de travailler dans des conditions d’hygiène et de discipline plus mauvaises, durant de plus longues heures et pour de moindres salaires que ceux que le syndicat rouge s’efforce de maintenir. Aux États-Unis, chez les syndiqués, cette âpreté à se défendre des trahisons jaunes est développée par le péril d’un afflux annuel d’un million d’immigrants, masse souvent recrutée par contrat à l’étranger, prête à toutes les besognes, masse inorganisée, sans défense contre avidité des employeurs et qui continûment remet en question l’influence acquise par les unions. Mais cette plèbe d’Europe se hâte d’entrer dans des syndicats dès qu’elle n’exerce plus les métiers inférieurs que l’Américain en place lui abandonne au début. Très vite elle exige les mêmes salaires, adopte les mêmes besoins et la même manière coûteuse de vivre.