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San Francisco ; et une grande masse de travailleurs orientaux non assimilés et non assimilables complique encore la situation[1]. » Il a suffi du cataclysme pour que la ville manifestât un désordre et une corruption telles qu’elle a étonné d’autres villes américaines, pourtant familières avec les scandales municipaux.

La crainte qu’excitent les Japonais à San Francisco est faite pour beaucoup de la crainte qu’inspirent les Chinois et leur vie à part depuis un demi-siècle, depuis que la construction du premier transcontinental les attira. Ces Chinois, si fiers de leur race, ont chez les diables étrangers un esprit de clan, et cette race qui successivement assimila les peuples d’Asie, Turcs, Mongols, Mandchous refuse de se fondre avec ce peuple américain qui depuis cent années assimile tous les peuples d’Europe. Les traitements que le Yankee, depuis vingt-cinq ans, inflige aux immigrants chinois exaspèrent cet esprit de clan. Le mot d’ordre officiel fut donné aux agents de l’immigration de décourager les Chinois quels qu’ils fussent, même les étudiants ou les marchands que la loi autorise. À la lettre, la recommandation était observée : je revois encaqués dans les geôles étroites et sales des docks, — en l’absence d’une station d’immigration, depuis longtemps promise, mais jamais construite, — les marchands aux robes soyeuses et claires, pêle-mêle avec des vauriens en guenille, subissant une détention et des interrogatoires qui les froissaient. L’isolement du ghetto fut, pendant des siècles, en chaque grande ville d’Europe, le lot d’une minorité persécutée ; au

  1. Address by David Starr Jordan.