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crises sur la côte américaine du Pacifique des ouvriers japonais, tout comme jadis elle a jeté des Irlandais, des Anglais, des Allemands sur la côte de l’Atlantique. Dans l’émigration, le gouvernement japonais voit déjà le moyen d’éviter le socialisme qui l’inquiète, tant il parait lié en tout pays au développement de l’industrie : l’émigration c’est le moyen d’avoir tous les avantages de l’industrie sans les inconvénients, et il importe d’en user sur l’heure[1].

Enfin les journaux parlent souvent de l’influence heureuse de l’émigration sur le caractère japonais : largeur de vue, cosmopolitisme de continentaux, au lieu de leur provincialisme borné d’insulaires.

  1. Cf. Manchyo, 14 mai 1906, sur la question sociale et l’émigration. L’atelier domestique est remplacé par l’usine ; les affaires financières se transforment. « Au Japon, devenu une des plus grandes puissances industrielles du monde, la question sociale fatalement se posera… ; il est urgent d’examiner les moyens de la résoudre… Si le gouvernement n’y songe pas et si les partis politiques de connivence avec les capitalistes ne s’y prêtent pas, le nombre des ouvriers malheureux sera plus grand et le socialisme pourra se répandre au Japon comme en France… Il vaut mieux pour la richesse du Japon et pour prévenir le socialisme que les Japonais pauvres s’expatrient en grand nombre. Les lois de protection et d’assurance ouvrières sont encore très rudimentaires au Japon ; il n’est rien de plus triste qu’une visite aux usines et aux quartiers ouvriers d’Osaka et de Tôkyô. Les ouvriers ne se résigneront pas toujours. En février 1907, les ouvriers des mines de cuivre d’Ashio se mirent en grève sur un refus d’augmentation de salaire : ils coupèrent les appareils, les fils électriques, dynamitèrent des galeries, menacèrent de brûler les bâtiments de l’exploitation. Le gouvernement dut envoyer deux compagnies d’infanterie sur les lieux. En juin 1907, autre grève dans la seconde mine de cuivre du Japon à Besshi, dans l’île Shikoku. Heurt entre les grévistes et la police. Destruction d’habitations et d’ateliers. Envoi de troupes. À propos de la première grève les journaux disaient : « On sait maintenant que les émeutes ont été fomentées par les socialistes. On a arrêté le représentant d’un journal socialiste. » Le parti socialiste a été dissous au début de 1907, et son journal supprimé.