Page:Aubert - Américains et Japonais, 1908.pdf/43

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brun ou noir, aux cassures mates, qui transparaît, et cela se dresse sur une mer bleue, verte au rivage, riante d’écume quand, par jeu, elle se brise sur le corail qui ceinture les îles. On approche d’Honoloulou : une conque pleine d’arbres, de palmes, de fleurs rouges largement épanouies, de clochettes jaunes en grappes. Sur le sol de lave ameublie, cette verdure agressive, gorgée d’eau, vernissée, reflète métalliquement la lumière. Pendant l’escale, brutalement, tandis que vous errez, une averse vous inonde ; c’est un cuveau qui bascule et d’un coup se vide. Deux heures après, la poussière monte vers le ciel lavé, et l’on recommence d’arroser les rues. De végétatives négresses toutes rondes dans les fourreaux orangés de leurs peignoirs, s’épanouissent comme des citrouilles après la pluie ; des Chinois en camisole trottinent mollement ; des Japonaises, un enfant sur le dos, font claquer leurs getas, et flâneurs, des Portugais ou des Porto-Ricains mal rasés errent. Quelques Américains passent secs et affairés ; c’est surtout aux six étages de leurs buildings et aux stars des drapeaux qui flottent sur la ville, que l’on devine leur altière présence.

Le soir, l’escale finie, on repart ; de gros nuages baignent et glissent dans l’or ; on quitte l’île avec regret, comme l’on se sépare d’un mirage. On rêve d’une île heureuse qui, surgie de l’Océan par coup de tête, serait consacrée au Paradoxe, à l’Utopie. Isolée sur la mer immense, sous un climat capricieux et voluptueux, on l’imagine terre d’expériences : toutes les races du monde y seraient représentées ; loin de leur sol natal, détachées de leurs préjugés, elles essaieraient, sur cette terre fertile, d’un labeur com-