vie populaire, et les voix sonnent claires dans les champs où les femmes travaillent. Sur le lit desséché de la rizière, des chapeaux de paille énormes grouillent ; c’est comme une poussée soudaine de champignons dans cet air humide et chaud. Le baluchon au bout d’un bâton, des hommes cheminent, bavards, et, jacasses, de vieilles femmes aux dents noircies ouvrent des bouches d’ombre comme des masques de théâtre ; les jeunes, en kimonos bleus, ceinturées de rose, casquées de cheveux noirs qui luisent d’huile de camélia, traînent derrière elles un parfum de musc et de rire.
La plaine traversée, nous voici au pied des montagnes près des grands monastères : l’ombre et l’humidité des hauts arbres nous saisissent, et le silence aussi. Qu’il est gai cet intermède de vie populaire entre nos visites aux vieillards inkyo, aux temples et aux palais déserts, entrés, eux aussi, dans la retraite ! Même plaisir qu’à entendre, après une solennelle récitation de nô, bavarder gaiement les spectateurs, ou qu’à voir après de hiératiques kakémonos, bouddhiques ou chinois, des estampes de l’école populaire, ou qu’à lire des contes de fée après les histoires glorifiant les samuraïs. Langue parlée et langue écrite, jargon populaire et littérature savante, animation de la rue et calme des sanctuaires — deux Japons différents, deux vies japonaises…