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lemment son ami. À présent je vais spéculer sur leur amour.

— Ne le dis pas à tout le monde, au moins car tu seras bien vite signalé.

— As-tu jamais aimé St. Céran ?

— Oui, et j’aime encore, et ce qui t’étonneras le plus, c’est que l’objet de mon amour est incapable de figurer parmi nos modèles de perfection, tu lui donnerais en vain un lorgnon ; elle n’oserait jamais fixer avec impertinence ceux qui l’environnent. Elle ne sait pas valser, sourire en montrant ses dents, et par bonheur, elle est bien faite : car elle eût peut être deviné, par instinct, l’usage du coton. Sa devise est :


Aimons sans art, sans art sachons plaire ;
Doux sentiment veut la simplicité,
Et c’est assez que son feu nous éclaire,
Pour arriver à la félicité.


— Au moins jusqu’à présent, j’ai tout lieu de le croire. — Je pourrais me tromper ; elle est femme ; mais il faut une compagne à l’homme, j’en ai choisi une, et je suivrai la maxime de La Bruyère : c’est un bijou précieux que je cacherai. — Comme tu es rêveur ! Il est onze heures ; ouvre cette armoire, et donne-nous deux verres et cette caraffe de vin — À ta santé, puisses être bientôt guéri. As-tu jamais remarqué, dit St. Céran, en posant son verre sur la table, un jeune homme quand il fait sa première entrée dans un grand bal ? — Sais-tu ce qui l’occupe le plus ?