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avec un ordre strict qu’il y eût pendant toute la nuit une garde armée suffisante, près de lui.

La tempête qui, la nuit précédente, avait cessé lorsque le corps du malheureux Guillemette était devenu le jouet des flots, ébranlait de nouveau la petite maison où gisait le meurtrier, et quelques gouttes de grosse pluie frappaient de temps à autre les vitrages. Sur un matelas, dans un coin de la chambre encore teinte de sang, était couché Lepage, le dos tourné aux assistants, et sa tête enveloppée d’une couverture. Trois des gardiens armés de fusils n’avaient rien de remarquable : leurs regards annonçaient la bonhomie du cultivateur Canadien, et contrastaient avec leur occupation ; quant au quatrième, il paraissait à sa place : ce personnage gros et trapu avait le regard farouche, et une immense paire de favoris rouges qui lui couvraient la moitié du visage donnaient quelque chose d’atroce à sa physionomie. — Il tenait dans sa main droite, avec l’immobilité d’une statue, un grand sabre écossais qu’il appuyait sur sa cuisse. Plusieurs habitants fumaient tranquillement leur pipe et, au milieu d’eux, était un voyageur qui, ayant passé trente ans au service de la Compagnie du Nord-Ouest, n’était revenu que depuis quelque tems au sein de sa famille, étonnée de son retour. — St. Céran écrivait assis près d’une table.

Cependant la tempête mugissait avec fureur, la pluie tombait par torrents, les éclairs sillonnaient la nue et le tonnerre grondait comme au