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ment est le cabinet ostéologique et la chambre de dissection de la ville. Autour des murs sont d’immenses armoires vitrées où sont rangés, avec ordre, les squelettes des plus fameux criminels de la Province. Si vous le visitiez, maintenant, vous y verriez Lepage, monté sur un cheval, tenant d’une main le marteau fatal au malheureux Guillemette. Il y a quelque chose d’attristant dans ce tableau et la première idée qui frappe le visiteur, en entrant, est celle de la fameuse peinture de la mort sur le cheval pâle. Est-ce la grande idée poétique de l’Apocalypse que les jeunes étudians ont voulu rendre visible ? où, est-ce une simple plaisanterie sortie de la tête de quelque étourdi qui ne comprenait pas la grandeur de sa pensée ? Qui peut décider cette question dans un siècle où ceux qui se livrent à l’étude de l’Anatomie en font une étude de Calembourgs et vont folâtrer jusque sur les tombeaux ? Au tems dont nous parlons, c’était un fameux voleur du nom de Hart, qui était à la tête du musée ; mais les Directeurs lui firent céder sa place à Lepage, qu’ils séparèrent même d’avec les autres, mus par la même idée que Victor Hugo a depuis revêtue en si beaux vers :

Et que ton âme, errante au milieu de ces âmes,
Y soit la plus, abjecte entre les plus infâmes :
Et lorsqu’ils te verront paraître au milieu d’eux
Ces fourbes, dont l’histoire inscrit les noms hideux
Que l’or tendis, jadis mais à qui, d’âge en âge,
Chaque peuple, en passant, vient cracher au visage.
Qui portent sur leurs lèvres un baiser venimeux :
Judas qui vend son Dieu, Leduc qui vend sa ville.