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homme suivi d’un énorme chien noir ; cet homme était au-dessus de la moyenne taille et portait un chapeau immense, que je ne pourrais comparer qu’à une meule de moulin, et qui lui cachait entièrement le visage. Je l’appelai, je lui criai de s’arrêter ; mais il passa, ou plutôt coula comme une ombre, et lui et son chien s’engloutirent dans le fleuve. Mes chiens tremblant de tous leurs membres s’étaient pressés contre moi et semblaient me demander protection.

Je rentrai dans ma cabane saisi d’une frayeur mortelle ; je fermai et barricadai mes trois portes avec ce que je pus me procurer de meubles ; et ensuite mon premier mouvement fut de prier ce Dieu que j’avais tant offensé et lui demander pardon de mes crimes : mais l’orgueil l’emporta, et repoussant ce mouvement de la grâce, je me couchai, tout habillé, dans le douzième lit, et mes deux chiens se placèrent à mes côtés. J’y étais depuis, environ, une demi-heure, lorsque j’entendis gratter sur ma cabane comme si des milliers de chats, ou autres animaux, s’y fussent cramponnés avec leurs griffes ; en effet je vis descendre dans ma cheminée et remonter avec une rapidité étonnante, une quantité innombrable de petits hommes hauts d’environ deux pieds ; leurs têtes ressemblaient à celles des singes et étaient armées de longues cornes. Après m’avoir regardé, un instant, avec une expression maligne, ils remontaient la cheminée avec la vitesse de l’éclair, en jetant des éclats de rires diaboliques. Mon âme