Page:Aubertin - Sénèque et Saint Paul, 1872.djvu/376

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rôme. Comme Cicéron, dont il veut imiter le Brutus, l’historien littéraire du christianisme se montre avide de célébrités, curieux de mérites, jaloux de renommées qui puissent servir sa cause ou l’honorer. Il n’est point de ténèbres qu’il ne dissipe, point d’antiquité qu’il ne perce, point d’espace qu’il ne franchisse pour les découvrir et se les approprier. Ce qu’il veut avant tout, c’est grossir ses rangs. Aussi bien, cette énumération est un enrôlement, cette foule est une armée, ces écrivains qu’il rassemble sont des auxiliaires qu’il oppose, dit-il, à Celse, à Julien, « à toutes ces botes furieuses et aboyantes qui harcèlent et déchirent la religion du Christ. » Cet éloge des lettres chrétiennes est une apologie de l’ignorance stérile que les philosophes reprochaient au christianisme, c’est une réponse à leurs dédains, à leurs sarcasmes.

Examinons maintenant le passage en lui-même, et voyons-en bien le sens et la valeur. Ce qui vaut à Sénèque une place dans le catalogue de saint Jérôme, un rang sous son drapeau, ce n’est point le caractère religieux de sa philosophie ni la beauté morale de ses sentences; on peut dire au contraire, sans forcer la signification du passage, que le Père, en nommant Sénèque, semble, sinon s’excuser d’un pareil choix, au moins s’en expliquer comme d’une chose surprenante, et en donner des raisons. Il n’aurait pas pensé à Sénèque, dit-il, s’il n’y avait été sollicité par des lettres qu’on lui attribue. Tel est l’unique motif qui le détermine. Ce n’est point le résultat d’une conviction profonde, ni même une conjecture propre à l’historien; ce n’est pas l’estime que Sénèque lui inspire; non, mais un recueil de