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Page:Aubigné - Les Tragiques, éd. Read, 1872.djvu/69

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AUX LECTEURS.

vous en monstrer son opinion plus au net, j’ay adjousté icy trois stances qui luy serviront de confession en ce qui est de la Royauté ; elles sont en une piece qui paroistra, Dieu aydant, parmy les Meslanges, à la premiere occasion. Vers la fin, après la stance qui commance :

Roy, qui te sieds enfant sur la peau de ton pere,

suivent :

Le regne est beau mirouer du regime du monde,
Puis l’aristocratie en honneur la seconde.
Suit l’estat populaire, inferieur des trois.
Tout peut se maintenir en regnant par soy-mesme ;
Mais j’appelle les Rois ployez sous un supreme
Tyrans tyrannisez, et non pas de vrais Roys !
Le Monarque du ciel en soy prend sa justice.
Le prince de l’Enfer exerce le supplice,
Et ne peut ses rigueurs esteindre ou eschauffer.
Le Roy regnant par soy, aussy humble que brave,
Est l’image de Dieu ; mais du tyran esclave
Le dur gouvernement, image de l’Enfer.
Celuy n’est souverain qui reconnoist un maistre ;
Plus infame valet qui est valet d’un prestre.
Servir Dieu, c’est regner ; ce regne est pur et doux.
Rois de Septentrion, heureux princes et sages,
Vous estes souverains, qui ne debvez hommages,
Et qui ne voiez rien entre le ciel et vous.

Voilà, le plus au vif que j’ay peu, le crayon de mon maistre. Quant à son nom, on n’exprime point les noms dans les tableaux ; il est temps que vous l’oyez par sa bouche, de laquelle vous n’aurez point de loüanges serviles, mais bien des libres et franches veritez.