Page:Aubigné - Les Tragiques, éd. Read, 1872.djvu/75

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Plus aggreable que tes vers.
Pauvre enfant , comment parois-tu
Paré de la seule vertu ?
Car, pour une ame favorable,
Cent te condamneront au feu ;
Mais c'est ton but invariable
De plaire aux bons et plaire à peu.
Ceux que la peur a révoltez
Diffameront tes veritez,
Comme faict l'ignorante lie :
Heureux livre qui en deux rangs
Distingue la troupe ennemie
En lasches et en ignorants.
Bien que de moy des-ja soit né
Un pire et plus heureux aisné,
Plus beau et moins plein de sagesse,
Il chasse les cerfs et les ours ,
Tu desniaises son aisnesse
Et son partage est en amours.
Mais le second , pour plaire mieux
Aux vitieux, fut vitieux :
Mon esprit par luy fit espreuve
Qu’il estoit de feu transporté ;
Mais ce feu plus propre se treuve
A brusler qu'à donner clarté.
J'eus cent fois envie et remord
De mettre mon ouvrage à mort.
Je voulais tuer ma folie :
Cet enfant bouffon m’appaisoit.