Page:Audebrand - Derniers jours de la Bohème, Calmann-Lévy.djvu/94

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monsieur nageait évidemment dans l’hyperbole. Très probablement, l’échappé de la grande École de la rue d’Ulm devait être un nourrisson de Stendhal ou un disciple de Schopenhauër.

— Au fait, où était-elle pour le moment l’âme de Paris, si tant est que Paris ait jamais eu une âme ? Où donc est-elle aujourd’hui ? Est-ce au Palais Bourbon, où ils parlent tant pour ne rien dire ? au Luxembourg, où ils dorment en parlant ? au Palais de Justice, où l’on jette tant de faux poids dans les balances de la vieille Thémis ? Serait-ce dans nos grandes Écoles, où les docteurs à diplôme enseignent ce qu’ils ne savent pas ? Ce ne peut être au Conservatoire de musique, d’où, depuis soixante ans, on n’a su sortir ni un vrai ténor, ni un compositeur, ni la moitié d’une fauvette. — Âme de Paris, où es-tu donc ? Pour te rencontrer, faut-il aller à l’Institut ou à la Halle au poisson ? Il en est qui la voient à la Bourse, où le vol, déjà déifié dans Mercure, est chez nous le plus fêté des arts. H. de Balzac a écrit qu’elle s’abrite sous les toits, dans les froides mansardes sans air et sans soleil, abri du génie solitaire, qui crève de faim et de misère en offrant les trésors de sa pensée aux heureux du jour qui ne font rien. — Mais laissons donc ! La faim et la misère, on n’en crève pas, puisque ce même H. de Balzac a pu vivre jusqu’à près de soixante ans. Mais, pour en revenir au mot du normalien, son observation aussi était à retenir. Si l’on peut