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en disait plus que ses paroles, dénotait chez lui l’homme inspiré. Je l’ai vu, une fois entre autre, à propos d’une mesure soumise par le gouvernement, majestueux, grandi, avec la trame du discours, laisser sa banquette, le bras en avant, la main et le doigt tendus, s’avancer jusque dans l’hémicycle ; et là, objurgant les ministres, les citer au tribunal de l’opinion publique. L’auditoire sous le feu de son regard, prêt à applaudir, ne se possédant plus, se penchait aux balustres comme pour mieux aspirer l’élixir de ses paroles. Alors Joseph Cauchon, député de Montmorency, se tournant vers la chaire où présidait M. Sicotte, aujourd’hui juge à Montréal, s’écria avec une voix pleine d’émotion : M. l’orateur, faites taire le député des Trois-Rivières : il soulève les galeries ! »

Ses études classiques et légales ainsi que ses luttes politiques avaient développé chez lui le don d’observation. Il connaissait le peuple et savait comment le manier.

On rapporte que lors de son élection dans le comté de Maskinongé où il était personnellement peu connu, quelqu’un s’avisa de dire que le comté voulait être représenté par un homme et non par un petit monsieur de la ville. Ceci était parvenu aux oreilles de notre candidat qui était alors dans toute la force de l’âge. M. Turcotte se rendit à Saint-Alexis où il devait parler, mais un groupe d’électeurs fit un beau vacarme pour l’en empêcher. Alors, M. Turcotte qui n’avait pas fret aux yeux dit aux turbulents qu’il ne voulait pas avoir affaires à des enfants, mais que s’il y avait des hommes parmi eux, il voulait leur parler. Le charivari continua de plus belle.

« C’est inutile de vous entêter monsieur Turcotte, lui dit un électeur, ils ne vous laisseront pas parler.

Mais je ne veux pas parler, je veux chanter.

Il ne veut pas parler, il veut chanter, dit l’électeur à ses amis.

Oui ? Ah ! c’est différent.

Ah ! ben, c’est une autre paire de manches, ça ; qu’il chante. Si c’est un bon chanteur, on l’écoutera.

M. Turcotte avait gagné son point, et le voilà qui entonne de sa plus belle voix — c’était un beau baryton —