Page:Audiat - Un poète abbé, Jacques Delille, 1738-1813.djvu/45

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

niance à me déplacer et m’éloignier des personnes de qui ie n’ay reçu que mil bonté et prévenance. Ie ne les oublieray iamais, non plus que celle de M. de Saint-George[1] et sa respectable parente. Cela me dedomageoit de tout les movais procedé que iay essuyé d’ailleurs. Je ne me plainiait que de l’éloignément qu’il y avait entre nous et ie ne vous repette point le bonheur don ie iouis. Ien fais le récit à M. de Saint-George ; il vous en fera par. Ie ne doute point de l’interet que vous voudré bien y prandre. Ie vois mes parans très souvant et vais manger leur soupe quand ma santé me le permet. Nous ne sommes qua une demy lieu de distance et leur campagne est charmante. Pour moy jay une petite chambre charmante aussy, qui a la plus belle vüe possible près de l’église ; trois messe par iour, un prone tout les dimanche. M. le comte de Pongibeau[2] ma donné une clés de sa chapelle ou ie suis très a mon aise. Ie dine chez luy presque tous les iour. Il nexige point de toilette ; iuge, ma bonne amie, combien ie suis à mon aise ; il m’a fait présent de mil petite choses pour mon petit ménage — il a un parc charmant formé par la nature dans lequel il a fait faire des routes dans lesquelles nous nous promenons à pied quand il fait beau tems et en voiture quand il fait de la boue. Ie vous laisse à panser combien mon sort est différand.

Dans le moment que ie vous ecrit il se présente une occasion la plus favorable pour moy. Un religieux qui vat en voiture à Saint-ieandangely et qui doit repasser icy la veillée des fêtes de noël prochain, veut bien se charger de metre dans sa voiture ce que ie vais vous demander savoir (ici quelques détails de ménage et d’économie domestique) les rideaux dindienne fon bleu et les trois pantes pour

  1. Sans doute de la famille des Chasteigner de la Rocheposay et de Saint-Georges, etc. passionnée dans toute la contrée.
  2. Le comte de Pontgibaud, en 1784, était César de Moré (1703-1781), père d’Albert-François de Moré, comte de Pontgibaud, qui fit pendant l’émigration et sous l’empire une très brillante fortune à Trieste dans la banque sous la raison sociale Joseph Labrosse, et aussi du comte Albert de Moré, auteur des très curieux Mémoires du comte de Moré (1758-1837), publiés pour la société de l’Histoire contemporaine (Paris, Picard, 1898).