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mier soin est de le faire passer à une sorte d’alambic, ensuite je fais aisément mon triage ; tel vers qui vous choquerait arrive alors plus adouci à votre oreille. Au reste, ce que je me permets au théâtre, il n’est personne qui ne se le permette dans le monde ; le peuple lui-même s’en va modifiant à chaque génération la rudesse de son langage. Que de mots, sans avoir perdu leur sens primitif, sont maintenant prononcés d’une manière si différente qu’ils ne sont plus les mêmes ! et comme on a fini par les écrire à peu près comme on les articule, les voilà devenus presque des mots nouveaux. Tel est celui de Karle dont on a fait Charles : le premier est plutôt un cri qu’une parole, le second est extrêmement doux ; mais ici c’est un mot métamorphosé, par conséquent hors de ma compétence. Voici une substitution, c’est mon affaire : lorsque je suis en scène, si vous m’entendiez dire d’une voix tendre à Adélaïde :

Souffrez que mes lauriers attachées par vos mains
Écartent le tonnerre et bravent les destins,
Ou, si le ciel jaloux a conjuré ma perte,
Souffrez que de nos noms ma tombe au moins couverte