Page:Audoux - De la ville au moulin.djvu/144

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Avec notre logement de plain-pied nous possédons, attenant au grenier et bizarrement construit une sorte de réduit que nous appelons la Tour. Ce réduit, nous l’avons aménagé avec l’espoir que Firmin viendrait y passer de temps en temps une de ses permissions.

Car Firmin s’est rengagé pour trois ans malgré son peu de goût pour le métier militaire, et déjà il est reçu dans la maison du vieux soldat comme fiancé de la jolie Rose.

Nos parents se sont montrés très satisfaits de ce rengagement, et le comptable m’a écrit au bas d’une lettre de ma mère. « Ainsi votre frère aura sa vie orientée, et il ne risquera pas d’être à charge aux autres ».

Je monte souvent dans la Tour, d’où l’on a vue autant sur la route que sur la mer. J’en ai orné les murs des photographies de toute la famille, et celle de Firmin qui semble me sourire me fait croire parfois que mon frère est là en réalité.

Auprès de mes courageuses voisines, j’ai tout de suite pris honte de mon oisiveté, et à leur grand contentement, j’ai entrepris la culture de leur part de jardin en même temps que la mienne. Dans ce grand jardin, planté d’oliviers, de citronniers et d’orangers, on ne sait pas bien où commencent et finissent les parts, personne du reste ne s’en soucie. Il s’agit seulement de ne pas toucher aux arbres dont la récolte n’est pas notre bien, tous les fruits appartenant à notre logeuse, la Crapaude, ainsi que l’a dénommée ma jeune voisine. Cette logeuse est une petite vieille qu’on rencontre souvent accroupie auprès d’un tas de