Page:Audoux - De la ville au moulin.djvu/244

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.



XIX


En cette fin d’août je n’ai plus l’espoir dont parlait Mme Lapierre. Pourtant je sais maintenant que Valère est vivant.

Ce vieillard chancelant qui passait sous les arbres d’en face au bras d’une jeune femme attentive et maternelle, ce vieillard qui ralentissait encore sa marche pour regarder les fenêtres de Manine, c’est Valère Chatellier. Lentement je l’ai vu redresser sa haute taille et assurer ses pas comme s’il se dégageait chaque jour un peu de cette enveloppe de vieillesse qui le recouvrait et le courbait. Son bras gauche paraît toujours inerte et son cache-nez se croise toujours très haut sur son visage, mais tout cela n’arrive pas à dissimuler son allure d’homme jeune, l’allure de Valère Chatellier ayant retrouvé sa force et sa santé.

Adroitement, je me suis mise sur son chemin afin de m’assurer de la forme de son visage comme j’étais sûre de la forme de son corps. Et, dans le mouvement de surprise qu’il eut en m’apercevant, j’ai reconnu ses yeux, ses yeux d’autrefois, intelli-