Page:Audoux - Douce Lumiere.djvu/137

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Agenouillée, elle écoute et palpe ; mais ce beau cœur de chien est devenu muet comme les yeux de bonté sont devenus aveugles.

Le front bas, elle le regarde, maintenant. Assise sur ses talons, les mains pendantes et ouvertes, comme pour montrer qu’elle n’a plus rien à donner puisqu’on lui a tout pris, elle reste là, immobile. Ses paupières seulement battent parce que ses tempes s’échauffent, comme si dans sa tête le feu allait renaître. Elle ne s’aperçoit pas que ses vêtements fument, comme a fumé la fourrure de Tou. Elle ne voit pas la buée qui l’entoure, monte et s’étend dans la pièce ainsi qu’un nuage gris. Elle ne sait pas que sa chevelure mouillée exhale avec force son parfum mystérieux, ce parfum des fées de Bléroux. Elle n’a d’attention que pour un bruit étrange qui lui paraît tantôt près et tantôt loin. On dirait un grelot fêlé qui sonne quelque part, dans la maison. Cela cogne parfois très fort à ses oreilles et s’arrête brusquement. À chaque arrêt, il lui semble que sa poitrine se vide de son cœur et de tout ce qui fait son souffle. Sa bouche alors s’ouvre comme pour une nausée et son corps vacille ; puis le grelot revient et tout recommence.