Page:Audoux - Douce Lumiere.djvu/144

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absente. Les longues franges de ses paupières, remontées vers le front, agrandissent encore ses yeux dont le regard ne quitte guère le haut vitrail où Joseph et Marie s’en vont sous les grands palmiers. Elle songe qu’il y a bien longtemps, elle était aussi avec Noël dans ce pays de ciel bleu. Cette femme, assise sur le petit âne gris, c’est elle-même. Et cet homme, qui marche tête baissée et les épaules lasses, c’est Noël.

Mlle Charmes n’est pas surprise de cette voix qu’Églantine livre enfin. Ne l’avait-elle pas entendue déjà, quelques jours après la mort de mère Clarisse ? Ce soir-là, se croyant seule à l’église, la jeune fille avait fait résonner les mauvaises notes de l’harmonium pour un Requiem. Certes, sa voix n’avait pas eu l’ampleur d’aujourd’hui, mais elle était si nuancée et disait si clairement sa peine, que Mlle Charmes était restée dans l’ombre, sans oser révéler sa présence. Maintenant elle comprenait qu’une vocation entraînait Églantine Lumière, qu’elle était faite pour chanter, et qu’elle chanterait quoi qu’il arrive.

Et dans le retroussis méprisant de sa lèvre, on aurait pu lire, à coup sûr :

« Noël Barray, vous n’êtes qu’un sot ! »