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Page:Audoux - Douce Lumiere.djvu/178

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départ pour l’étranger avec une troupe de comédiens, il avait seulement dit :

« Son cœur n’est pas mauvais, mais elle n’aime rien de ce qui est simple. »

Ce jour de départ, qui datait de plusieurs années déjà, Églantine s’en souvenait comme d’hier. Tensia avait dit et fait mille folies. L’harmonium avait résonné sous ses doigts pour des airs de danse endiablés. Puis, malgré le temps froid et contre la volonté de son mari, elle avait enlevé la robe de laine de la petite Christine pour lui en mettre une de mousseline brodée qui la laissait presque nue. Et, l’enfant dans les bras, elle avait ri sans mesure et dansé sans retenue, en chantant son refrain habituel :


    Versez, versez jusqu’à l’ivresse
    dans la coupe du plaisir.


Arrêtée subitement au milieu d’un tournoiement fou, elle avait déposé la petite dans les bras de son père tout en disant : « Mon pauvre Jacques, je suis désolée de te faire souffrir. » Et elle s’était échappée, comme on s’enfuit.

Jacques avait tout de suite échangé la robe de mousseline pour celle de laine, mais il était trop tard, l’enfant avait pris froid.