Page:Audoux - Douce Lumiere.djvu/195

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ramassez les morceaux que vous essayez de raccorder, comme si par le fait de votre seule volonté tout allait se réparer. Mais très vite vous vous apercevez que de ce beau vase il ne reste plus que des débris informes. Et malgré votre répugnance pour ne plus voir sa place vide, il vous faut bien le remplacer par un autre. »

Après des adieux affectueux, Mlle Charmes donnait encore cet avertissement :

— Croyez-moi, Douce Lumière, faites attention au temps qui passe.

En lisant cela Églantine eut un rire bizarre. Est-ce que vraiment le temps passait pour elle comme pour tout le monde ? Depuis qu’elle était à Paris, à part son changement de métier, aucun événement n’avait marqué dans sa vie. Les mois avaient succédé aux mois sans qu’elle y prît garde en effet. Et voici qu’elle allait avoir trente ans, mais serait-elle plus vieille à trente ans qu’à dix-huit ? Elle ne le croyait pas. Et puis, qu’est-ce que cela pouvait faire ? Noël n’était-il pas à jamais perdu pour elle ?

Regarder autour de soi, pas très loin, pour trouver celui qui peut donner l’oubli ? Ah ! oui, il y a l’homme aux poches pleines de livres qui vient s’asseoir auprès d’elle, dans le jardin du Luxembourg. Cet homme-