Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/102

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temps je compris que le jour se levait, et que la lampe devenait inutile, alors je laissai mon corps se tasser dans le repos et je cédai au désir intense de quelques minutes de sommeil.

Mme  Dalignac me réveilla en rentrant avec le thé. Elle se plaignit de la mauvaise odeur que la mèche charbonneuse répandait dans la pièce, et elle rouvrit la fenêtre en disant :

— L’air frais va nous faire du bien.

Je frissonnai lorsque l’air frais me toucha. À ce moment j’eusse préféré toutes les mauvaises odeurs à cet air pur qui m’apportait une souffrance plus vive. Cependant je m’y habituai peu à peu, et bientôt j’allai m’accouder aussi à la fenêtre.

Toutes les étoiles avaient disparu. Le ciel était d’un bleu gris. Et là-bas, du côté du levant, des petits nuages roses s’en allaient en bandes au-devant du soleil.

Tout près de nous, sous la haute toiture vitrée de la gare Montparnasse, une machine sifflait doucement comme si elle appelait quelqu’un en cachette. D’autres arrivaient en glissant silencieusement sur les rails et lançaient un coup de sifflet clair et net comme un joyeux bonjour.

En bas, des voitures de laitiers commençaient à descendre l’avenue à grand fracas, et des chiffonniers fouillaient déjà les boîtes à ordures.

Mme  Dalignac versa le thé dans les tasses. Elle le versait doucement pour éviter les éclaboussures et il coulait si noir de la théière qu’on aurait pu croire que c’était du café.