Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/20

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— Je suis sûr que tu n’as pas fini de te reposer, toi !

Elle fit le geste de lancer quelque chose par-dessus son épaule :

— Oh ! moi, je fais comme les clientes, je vais aux bains de mer, et je suis rentrée seulement ce matin.

Le patron lui montra les tissus :

— Nous avons de l’ouvrage, dit-il.

Mme Doublé devint attentive, et ses sourcils se rapprochèrent.

Elle avait des yeux noirs comme ceux de son frère, mais son regard était plein d’audace et de fermeté. Sa bouche aussi faisait penser à celle du patron, mais ses lèvres semblaient faites d’une matière dure qui les empêchait de se distendre pour le sourire. Elle marchait sans grâce, en bombant la poitrine et on eût dit qu’elle portait sur toute sa personne quelque chose de satisfait.

À son entrée le visage de Mme Dalignac avait changé d’expression. Tout en coupant ses taffetas, elle mordillait sa lèvre comme les gens qui ont une préoccupation, et on entendait davantage le bruit sec et grinçant de ses ciseaux.

Mme Doublé reprit :

— C’est égal, tu es fou, Baptiste, d’avoir toutes tes ouvrières au début de la saison.

Elle me désigna du doigt :

— Tu n’avais pas besoin de reprendre celle-là.

Le patron parut gêné. Il répondit sans me regarder :