Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/268

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cyprès gémissait comme s’il était seul à supporter le vent humide.

Deux corbeaux s’abattirent sur une croix blanche. Ils paraissaient épuisés et il leur fallut de longues minutes avant de pouvoir se tenir d’aplomb ; mais à peine avaient-ils trouvé l’immobilité nécessaire à leur repos, que la voix dure d’un autre corbeau qui passait au loin les fit repartir comme en détresse.

Mme  Dalignac avait entendu aussi le rude appel, et, comme si elle y répondait, elle demanda :

— Quelle heure est-il ?

Je tirai de mon corsage la petite montre d’or qu’elle m’avait donnée, et je vis qu’il était neuf heures. Elle sursauta :

— Et l’atelier, dit-elle.

Je dus l’aider à se mettre debout. Elle se plaignit d’une grande faiblesse dans les jambes et pour marcher elle fut obligée de s’appuyer à mon épaule.

Elle s’inquiétait à l’idée que sa présence manquait aux ouvrières, mais, chaque fois qu’elle voulait hâter le pas, sa tête penchait brusquement en avant. Comme nous allions sortir du cimetière elle m’arrêta :

— Attendez, je ne vois plus clair.

Je la regardai. Elle n’était pas plus pâle que l’instant d’avant, et dans ses yeux si doux il n’y avait rien de changé.

Elle fit encore un pas, toucha le grand portail comme pour y chercher un nouvel appui, et sans