Page:Audoux - La Fiancee.djvu/235

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quartier, ils cassaient la tirelire et s’en allaient bras dessus bras dessous dépenser les pièces en amusements de toutes sortes.

Aline retourna légère et joyeuse à son fourneau surveiller la cuisson du déjeuner, tandis que Vincent faisait soigneusement sa barbe et mettait sa plus belle chemise.

Et lorsque la glace de l’armoire lui eut montré que le nœud de sa cravate était parfait et que son veston ne lui remontait pas dans le dos, il descendit en sifflotant chez l’épicier d’en face et il en rapporta une bouteille de vin fin et deux babas au rhum, pour le dessert.

Par cette journée d’automne, il faisait doux comme au printemps. La fenêtre, grande ouverte sur le boulevard, laissait voir les arbres aux feuilles roussies en même temps qu’elle laissait entrer tous les bruits venant de la place où se tenait la fête. Cela mettait une joie vive dans le logement. Aline, tout en dressant le couvert, fredonnait une chanson de son atelier, et Vincent, qui ne tenait pas en place, imitait le rugissement des fauves, le grincement des tourniquets et la voix enrouée des lutteurs.