Page:Audoux - La Fiancee.djvu/50

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sauvait aussi de l’ennui. À ne plus se nourrir que de choses fraîches, ils devenaient délicats et gourmands. Ils enviaient dans le jardin des autres ce qu’ils ne possédaient pas dans le leur et qu’ils ne pouvaient acheter. Entre autres, les asperges, qu’ils aimaient par-dessus tout et qu’ils ne pouvaient faire pousser faute de place. Comment en acheter, alors que la vente des produits du clos payait tout juste le pain et l’épicerie nécessaires à leur vie. Ils se plaignaient entre eux de l’injustice du sort. Que n’avaient-ils beaucoup de terre comme le châtelain voisin, ce vieux riche, avare à l’excès, disait-on, qui vivait depuis des années sur son propre bien sans se soucier des productions du dehors, autant pour les autres que pour lui-même. Ce qui manquait chez lui on s’en passait, voilà tout. Bien sûr, dans son jardin il ne manquait pas grand’chose, car le jardinier aimait les bons légumes, et les asperges tenaient, à elles seules, un large espace que l’on voyait très bien à travers la grille du potager.

Cependant Nestin et Nestine qui regardaient