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Page:Audoux - Le Chaland de la reine, 1910.pdf/29

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Mère et Fille 27

Mme Pélissand retint à deux mains sa corbeille sur ses genoux et elle dit, sans regarder sa fille :

— Tu peux jouer encore. Marie.

Cette fois. Marie se retourna pour regarder sa mère. Son regard exprimait la surprise, et c'était comme si elle eut dit tout haut : « Mais qu'a-t-elle donc ? »

Depuis quelques jours, en effet, Mme Pélissand n'était plus la même. Autrefois, elle ne serait jamais entrée au salon pendant que sa fille était au piano. Il en était de même pour le métier d'institutrice de Marie. Mme Pélissand le détestait et ne pouvait supporter que sa fille y employât tout son temps. Et voilà que, tous ces jours passés, elle était restée le soir clans la salle à manger, pendant que Marie corrigeait les cahiers de ses élèves. Hier soir, elle s'était mise aussi près que possible de sa fille, et plusieurs fois Marie l'avait vu faire un mouvement de tète en haut en ouvrant la bouche, comme si si elle allait parler ; puis, chaque fois, elle avait baissé la tète d'un air gêné.

Marie n'osait se remettre au piano ; mais sa mère lui répéta du même ton que la première fois :

— Tu peux jouer encore, Marie.

Marie reprit sa place sur le tabouret, mais ses doigts n'avaient plus autant de sûreté, et son morceau favori la laissait indifférente. Elle regardait sa mère à la dérobée. Mme Pélissand fixait profondément le tapis, et ses mains avaient l'air de se cramponner à la corbeille de vieux bas.