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MARIE-CLAIRE

moi, et je me trouvai aussi à plaindre que les exilés et les prisonniers.

Il me fut impossible de m’endormir ce soir-là. Je savais que je partirais demain ; mais je ne savais pas ce que c’était que la Sologne. J’imaginais un pays très éloigné où il n’y avait que des plaines toutes fleuries. Je me voyais la gardienne d’un troupeau de beaux moutons blancs, et j’avais deux chiens à mes côtés qui n’attendaient qu’un signe pour faire ranger les bêtes. Je n’aurais pas osé le dire à sœur Marie-Aimée, mais en ce moment, je préférais être bergère plutôt que demoiselle de magasin.

Ismérie, qui ronflait très fort à côté de moi, ramena ma pensée vers mes compagnes.

La nuit était si claire que je voyais distinctement tous les lits. Je les suivais un à un, et je m’arrêtais un peu près de celles que j’aimais. Presque en face de moi je voyais les magnifiques cheveux de ma camarade Sophie : ils s’éparpillaient sur l’oreiller, et faisaient davantage de clarté sur son lit. Un peu plus loin, c’étaient les lits de Chemineau l’Orgueilleuse, et de sa sœur jumelle Chemineau