Page:Audoux - Marie-Claire.djvu/140

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
122
MARIE-CLAIRE

pommes de terre et les châtaignes qu’il faisait cuire sur les charbons. Il m’apprenait à connaître de quel côté venait le vent afin de profiter du plus petit abri contre le froid : et tout en nous chauffant, il me chantait la chanson de l’Eau et du Vin.

C’était une chanson qui avait au moins vingt couplets. L’eau et le vin s’accusaient réciproquement de faire le malheur du genre humain, tout en s’adressant à eux-mêmes les plus grands éloges. Moi, je trouvais que c’était l’eau qui avait raison, mais le vacher disait que le vin n’avait pas tort non plus. Nous restions de longues heures ensemble. Il me parlait de son pays qui était très éloigné de la Sologne. Il me raconta qu’il avait toujours été vacher, et qu’un taureau l’avait roulé et blessé quand il était encore enfant. Il en était resté longtemps malade, avec des douleurs qui le faisaient crier ; puis les douleurs avaient fini par s’en aller, mais il était devenu tout tordu comme je le voyais. Il se souvenait du nom de toutes les fermes où il avait été vacher. Les gens étaient méchants ou bons, mais jamais il n’avait trouvé de si bons