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MARIE-CLAIRE

Les moutons eux-mêmes ne sautaient plus. Le marchand avait emmené tous les mâles, et les petites femelles ne savaient plus jouer entre elles. Elles marchaient serrées les unes contre les autres, et même quand elles ne mangeaient pas, elles restaient la tête baissée.

Quelques-unes me faisaient penser à des petites filles que j’avais connues. Je les caressais en les forçant de lever la tête : mais leurs yeux restaient tournés en bas, et leurs prunelles fixes ressemblaient à du verre sans reflet.

Un jour, je fus surprise par un brouillard si épais qu’il me fut impossible de reconnaître mon chemin. Je me trouvai tout à coup auprès d’un grand bois qui m’était inconnu. Le haut des arbres se perdait complètement dans le brouillard, et les bruyères paraissaient toutes enveloppées de laine. Des formes blanches descendaient des arbres et glissaient sur les bruyères en longues traînées transparentes.

Je poussai les moutons vers le pré qui était à côté ; mais ils se tassèrent et refusèrent d’avancer. Je passai devant eux pour voir ce