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MARIE-CLAIRE

moment ils se resserrèrent précipitamment en s’éloignant du bois.

Je cherchai vivement à voir ce qui avait pu les effrayer ainsi, et à deux pas de moi, au beau milieu du troupeau, je vis un chien jaune qui emportait un mouton dans sa gueule. Je pensai tout d’abord que Castille était devenue enragée, mais, dans le même instant, Castille se jeta dans mes jupes en poussant des hurlements plaintifs. Aussitôt je devinai que c’était un loup. Il emportait le mouton à pleine gueule, par le milieu du corps. Il grimpa sans effort sur le talus et quand il sauta le large fossé qui le séparait du bois, ses pattes de derrière me firent penser à des ailes. À ce moment je n’aurais pas trouvé extraordinaire qu’il se fût envolé par-dessus les arbres.

Je restai quelques instants sans savoir si j’avais eu peur. Puis je sentis que je ne pouvais plus détourner mes yeux du fossé. Mes paupières étaient devenues si raides qu’il me sembla que je ne pourrais jamais plus les fermer. Je voulus crier pour qu’on m’entendît de la ferme, mais ma voix ne voulut pas sortir. Je voulus courir aussi, mais mes jambes