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MARIE-CLAIRE

biche le saisit, et quand elle lui eut passé la lame sur le cou, la paille fut beaucoup plus rouge que la première fois.

Pendant l’heure de la sieste, je montais au grenier pour lire un peu. J’ouvrais le livre au hasard ; et, à le relire ainsi, j’y découvrais toujours quelque chose de nouveau.

J’aimais ce livre, il était pour moi comme un jeune prisonnier que j’allais visiter en cachette. Je l’imaginais vêtu comme un page et m’attendant assis sur la solive noire. Un soir, je fis avec lui un beau voyage.

Après avoir fermé le livre, je m’accoudai à la lucarne du grenier. Le jour était presque fini, et les sapins paraissaient moins verts. Le soleil s’enfonçait dans des nuages blancs, qui bouffaient et se creusaient comme du duvet.

Sans savoir comment cela s’était fait, je me trouvai tout à coup au-dessus du bois avec Télémaque. Il me tenait par la main, et nos têtes touchaient le bleu du ciel. Télémaque ne disait rien ; mais je savais que nous allions dans le soleil.

La vieille Bibiche m’appelait d’en bas. Je reconnaissais très bien sa voix, malgré la