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Page:Audoux - Marie-Claire.djvu/217

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MARIE-CLAIRE

— Alors, vous êtes seule au monde ?

Je répondis vivement :

— Oh, non, j’ai sœur Marie-Aimée !

Et sans lui laisser le temps de me questionner, je dis combien je l’aimais, et avec quelle impatience j’attendais le moment où je pourrais la rejoindre.

J’étais si heureuse de parler d’elle, que je ne m’arrêtais plus.

Je disais sa beauté et son intelligence qui me semblaient au-dessus de tout.

Je disais aussi son chagrin le jour de mon départ, et j’imaginais sa joie le jour où elle me verrait revenir.

Pendant que je parlais, il avait les yeux fixés sur mon visage, mais son regard semblait voir beaucoup plus loin.

Après un silence, il me demanda encore :

— Est-ce que vous n’aimez personne ici ?

— Non, dis-je, tous ceux que j’aimais sont partis.

Et j’ajoutai avec un peu de rancune :

— Jusqu’à Jean le Rouge qu’ils ont chassé !

— Pourtant, dit-il, Mme Alphonse n’est pas méchante ?