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Page:Audoux - Marie-Claire.djvu/25

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MARIE-CLAIRE

des enfants de malheur, qu’elle ne nous donnerait plus à manger, et que nous pouvions bien aller retrouver notre père, qui était parti on ne savait où. Quand sa colère fut passée, elle nous donna à manger comme d’habitude ; mais, quelques instants après, elle nous fit monter dans la carriole du père Chicon. La carriole était pleine de paille et de sacs de grains. J’étais placée derrière, dans une sorte de niche, entre les sacs ; la voiture penchait en arrière et chaque secousse me faisait glisser sur la paille.

J’eus une très grande peur tout le long de la route ; à chaque glissade, je croyais que la carriole allait me perdre, ou bien que les sacs allaient s’écrouler sur moi.

On s’arrêta devant une auberge. Une femme nous fit descendre, secoua la paille de nos robes, et nous fit boire du lait. Tout en nous caressant, elle disait au père Chicon :

— Alors, vous pensez que leur père les voudra ?

Le père Chicon branla la tête en cognant sa pipe contre la table ; il fit une grimace avec sa grosse lèvre et il répondit :